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LA "DÉTERRITORIALISATION" DU TRAVAIL, UN NOUVEAU PARADIGME A INVESTIR COLLECTIVEMENT 

  • par Karine Morenville
  • 24 juin, 2020

Une ouverture vers un nouveau modèle environnemental, économique et social

Dans un premier article, nous évoquions, à travers l’étude de Serge SCHMITZ, professeur et chercheur à l’université de Liège, les grands principes du « territoire à soi » en entreprise et les réactions émotionnelles pouvant être engendrées par l’aménagement de l'environnement de travail.

Face à une généralisation croissante du télétravail, même limité à 1 ou 2 jours par semaine, la notion même de « territoire à soi » au travail va prendre un tout autre sens.

En effet, le télétravail ramenant partiellement le travail dans la sphère domestique, et libérant concomitamment des espaces au bureau, on peut penser qu’un nouvel équilibre va naître au profit de « territoires partagés ».

Les individus en seront particulièrement impactés dans leur vie quotidienne, d’où la nécessité de repenser collectivement les organisations en mettant l’Homme au centre des préoccupations.

Dans ce deuxième article, prenons du recul et de la hauteur, et ouvrons plus largement sur l’impact du télétravail dans le partage de nos « lieux de vie » et dans l’aménagement des territoires.

Car dans le contexte actuel, il est illusoire de croire que tout redeviendra comme avant dans un avenir proche. Et même en se projetant en 2022 avec un soi-disant « retour à la normale », qui voudra bien braver l’incertitude en choisissant le statu quo ?

A l'écoute du monde qui nous entoure, l’impact est déjà là. Le télétravail va profondément modifier la société en général en bousculant les territoires de chacun, ouvrant une porte vers un nouveau modèle environnemental, économique et social.

Quel est l’avenir du bureau personnalisé utilisé que partiellement dans un contexte économique difficile pour les entreprises ? Comment intégrer le télétravail chez soi tout en respectant l’intimité de chacun ? Quel impact du télétravail sur les équilibres sociaux, sur les écosystèmes locaux, sur l’aménagement des territoires ?

Et comment l’industrie immobilière d’entreprise et résidentiel va réagir afin d’anticiper les virages à venir ?

La "déterritorialisation" du travail, voilà un nouveau paradigme à investir collectivement.


D’UN TERRITOIRE A SOI AU TERRITOIRE PARTAGÉ

En Ile de France, compte tenu des prix de l’immobilier, la question de l’optimisation des surfaces de bureau sera un sujet prépondérant pour les entreprises, notamment dans le contexte économique actuel nécessitant des besoins en trésorerie.

Le poste de travail personnalisé risque de perdre encore de son attrait du point de vue financier, au profit d’un poste de travail partagé à plusieurs, en fonction des jours de la semaine.

Cela ne signifie pas que le flex-office a définitivement gagné, mais que les organisations, au sein des entreprises, devront être repensées d’un point de vue global, avec agilité et flexibilité, entre travail à distance et travail au bureau.

L’organisation du télétravail étant avant tout une organisation à imaginer au sein d’une équipe pour en conserver toute la performance et la cohésion, il serait judicieux que la réflexion liée au partage des espaces soit également du ressort de ces mêmes équipes. Il en résultera un sentiment d’appartenance et de valorisation individuelle et collective, et de décisions partagées, donc mieux comprises et acceptées - à contrario de la déshumanisation subie et ressentie en flex-office ces dernières années. Il est important que chacun trouve sa place au sein de « sa tribu » et en lien avec son écosystème.

Par ailleurs, le télétravail ne sonne pas le glas du bureau solo, bien au contraire. Les mesures sanitaires liées à la COVID lui ont redonné un attrait particulier. Disposer d’un bureau solo à partager en fonction des jours de la semaine, est tout à fait envisageable. Et cela lui ôtera notamment toute dimension hiérarchique, ce qui n’est pas plus mal.

L’objectif est que les dirigeants d’entreprises et leurs équipes, assistés de leurs conseils, aient de vrais choix d’aménagement, à l’image de leur organisation.

Pour cela, il faut s’assurer que les immeubles tertiaires qui sont construits aujourd’hui ont bien gardé toute leur flexibilité (possibilité d’espaces fermés ou d’espaces ouverts), notamment en termes de réseaux, sans devoir payer des surcoûts exorbitants pour pouvoir revenir aux bureaux fermés.


A L'ÉCOUTE DU MONDE QUI NOUS ENTOURE

Il suffit d’écouter les DRH qui remontent la question du télétravail par les candidats au recrutement comme quasi systématique et comme un critère d'acceptation du poste. Ces mêmes DRH qui doivent mettre en place avec les IRP des plans de mobilité en ouvrant la réflexion sur la diminution des déplacements et l’usage des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle.

Le télétravail est devenu essentiel dans l’équilibre vie pro-vie perso des salariés, ainsi que dans la transition écologique des entreprises, et s’inscrit pleinement dans la démarche RSE.

Il suffit d’analyser les enquêtes internes lancées dans les entreprises et qui relèvent 85% minimum de collaborateurs favorables au télétravail et 95 à 99% des postes éligibles dans les entreprises de services.

Il suffit d’écouter certains dirigeants et managers qui considèrent que les derniers freins ont été levés, à savoir la confiance envers leurs collaborateurs qui, pendant le confinement, se sont adaptés à la situation, et ont largement contribué, quand c’était possible, à la poursuite de l’activité. Les outils de communication en visioconférence ont permis de réaliser des prouesses à distance pour conserver le lien et poursuivre l’activité dans de très nombreux domaines.

Plus globalement, l’impact du télétravail se fait déjà ressentir, interpelle et inquiète aussi.

Écoutons dès aujourd’hui les commerçants, restaurateurs, taxis et VTC, ainsi que tout l’écosystème évoluant autour des lieux de travail. L’impact d'une baisse d'activité est déjà ressenti et la crainte que cela s'inscrive dans la durée est forte. L’avenir des quartiers d’affaires et des zones d’activité non mixtes est à considérer avec la plus grande attention.

Considérons les travailleurs qui ne pourront pas télétravailler, les réactions des syndicats sur la question du collectif de travail, déjà en perte de vitesse, et dont l’action collective pourra être encore plus ralentie par le télétravail.

Entendons également les adolescents qui réagissent déjà au sein des familles sur l’emprise des parents en télétravail sur « leurs » créneaux horaires qui leur étaient auparavant personnellement réservés au sein de la maison…

Projetons-nous aussi sur cette notion de « territoire à soi » qui tendrait à disparaître par l’assouplissement des limites entre vie professionnelle et vie privée, et au sein même de la vie privée d’engendrer des conflits dans l’intimité de chacun.

Le télétravail fait indiscutablement débat tant son impact est sensible dans toute la société.

Ce n’est donc pas qu’un sujet d'entreprise, sur le management à distance, l’unité et la cohésion, l’aménagement des postes de travail ou la sécurité des données…

Il s’agit d’une porte ouverte sur un nouveau modèle environnemental, social et économique.

 

LA DETERRITORIALISATION : UN NOUVEAU PARADIGME A INVESTIR

L’industrie immobilière et l’aménagement des territoires ont un immense chantier face à eux.

Qu’est-ce que sera « aller au bureau » demain ?

Comment anticiper les évolutions afin de répondre au mieux aux besoins d’espaces tertiaires réinventés agiles et flexibles qui sauront valoriser l’unité, la cohésion et le lien social ? Comment répondre aux capacités financières des entreprises fortement mises à mal ?

Quelle imbrication du poste de travail dans le logement, dans l’immeuble résidentiel, autour des résidences ? Le nouvel équilibre vie privée-vie intime à trouver ?

La déterritorialisation se retrouvera-t-elle aussi dans l’immobilier, dans une mixité « entreprise et résidentiel » rattachée ?

A quelles évolutions s’attendre sur la nature des baux lié au besoin de flexibilité des entreprises ?

Pour les investisseurs, comment évaluer la valeur de résilience d’un immeuble ? à travers sa capacité d’adaptation, de résistance aux crises quelles qu’elles soient (organisationnelles, sanitaires, climatiques, environnementales… ?), et de transformation ?

Faut-il attendre un renouveau des territoires grâce à l’avènement du travail à distance ?

Comment les Maîtres d’Ouvrage intégreront le risque environnemental dans leurs opérations, ainsi que la plus grande flexibilité et évolutivité architecturale et technique, alors que les réglementations et les normes pèsent déjà lourdement dans les bilans financiers ?

Et bien sûr quelle évolution du poste de travail « au bureau » et son impact sur « le territoire à soi », dans les organisations du travail. Les « ressources » humaines vont-elles reprendre une place centrale dans l’entreprise, en facilitant et en responsabilisant les collaborateurs, comme de véritables partenaires, une richesse, non pas à exploiter, mais à valoriser à sa juste mesure ?

Les débats sont ouverts vers la mise en place de nouveaux équilibres.


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